Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837
Article mis à jour le 8 janvier 2018
Cannabis : l'inquiétant succès du «joint» électronique Tel est le constat révélé par le journal Le Parisien du 28 novembre 2017.
Depuis 2014,la société néerlandaise Njoint avait déjà commencé à commercialiser un "joint electronique" en forme de cône, décliné en une version "inoffensive" grand-public sans THC, ni tabac ou nicotine et en deux autres versions, réservées à un usage médical, contenant du cannabis liquide ou séché,
C'est donc en prolongement de cette initiative que la France voit désormais arriver, sur le marché national du vapotage, des e-joints se proposant d'être une alternative aux dérivés cannabicoides et même à la vapoteuse traditionnelle.
Une société Kanavape avait lancé avec fracas en décembre 2014 une vaporette et son kit recharge, via internet dans un premier temps, en attendant d'être disponibles chez les revendeurs de cigarettes electroniques.
Mais cette initiative tapageuse avait déclenché un tollé et la ministre de la santé de l'époque Marisol Touraine s'était clairement prononcée contre ce type de vapoteuse à chanvre,
Le parquet de Marseille avait ouvert en février 2015 une information pour savoir si Sébastien Beguerie et son associé Antonin Cohen, les dirigeants de KanaVape ont ou non exercé illégalement la profession de pharmacien en introduisant du chanvre dans la composition de leur vapoteuse. Un délit qui peut coûter jusqu’à dix ans de prison.http://www.metronews.fr/info/e-cigarette-au-cannabis-le-co-fondateur-de-kanavape-en-garde-a-vue/mobv!atUpJx9NZaCg/
Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné ce 8 janvier 2018 à des peines de dix-huit et quinze mois de prison avec sursis ainsi qu’à une amende de 10.000 euros chacun les créateurs de Kanavape, une cigarette électronique permettant de consommer du cannabidiol (CBD) Marseille: Les deux inventeurs de l'e-joint condamnés
Mais depuis cette initiative avortée, on trouve plus ou moins aisément en ligne, voire en boutique de vape des e-joint avec du liquide contenant du CBD.
Les instigateurs des vapoteuses au extraits de chanvre, produit en France, estiment que cet outil pour se détourner du cannabis serait parfaitement légal, la production de chanvre étant elle-même autorisée et sa teneur en Tétrahydrocannabinol inférieur à un taux de 0,2 % (le taux de 0,3 % étant le seuil en deça duquel la cour de cassation considère qu'un produit d'origine végétale est dépourvu de propriétés stupéfiantes, et peut être licitement utilisé à des fins industrielles ou commerciales.
Qu'en est-il dès lors de cette légalité ?
Rappelons que l'usage médical de cannabinoide est règlementé et qu'il faut une autorisation des autorités sanitaires, comme pour le Sativex qui est en vente depuis 2015. tel n'est donc pas le cas en l'occurence pour ce e-joint qui revendique seulement l'incorporation de cannabidiol ou CBD, non psychotrope.
Il serait alors tentant de faire l'analogie du e-joint avec la cigarette electronique classique, qui a déjà suscité de nombreux débats.
Reste que la présence de CBD dans le e-joint, même sans présence de THC, pose problème: ses vertus annoncées comme uniquement "relaxantes" sont loin d'être totalement inoffensives et , surtout, risque de populariser ce produit auprès d'un public vulnérable, notamment les plus jeunes, qui serait tenté par cette vapoteuse "tendance" et présentée comme thérapeuthique.
Rappelons que l'article L. 3421-4 du Code de la santé publique incrimine et sanctionne de 5 années d’emprisonnement la provocation au délit d'usage de stupéfiants,
On comprend donc que c'est la communication autour de ce produit qui sera décisive sur la légalité ou non de ce joint électronique, notamment si devaient être revendiqués des effets bénéfiques d'une drogue quelconque et constituer ainsi, plus ou moins directement, un outil de promotion du cannabis: ce qui me parait plus que probable pour ce produit qui ne peut être considéré comme totalement anodin.
Si l'on en croit le journal Le Parisien, du 29 novembre 2017, et alors que l’agence du médicament s'était positionnait clairement, sur l'interdiction de e-liquides au cannabidiol (CBD), le ministère de la Santé prend une position différente, estimant pour sa part que les cigarettes électroniques au dérivé du cannabis CBD bénéficieraient d’une dérogation à la législation. Des contrôles vont néanmoins être lancés
Devant le flou juridique, les pouvoirs publics ont d'ores et déjà annoncé, via la direction générale de la santé, être très attentifs à ce phénoméme et y réfléchir, Espérons-le !
Retrouvez notre article Lancement du e-joint en France