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Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837

L'outrage à agent pour les nuls

Article mis à jour le 24 avril 2019

Un tweet du metteur en scène Mathieu Kassovitz réagissant après l'impressionnante saisie réalisée suite à une opération de sécurisation et de recherche de stupéfiants à l’hôpital St Jacques à Rézé( 24 policiers mobilisés, dix  personnes et trois  bâtiments contrôlés avec l'appui de deux chiens pour un butin de 7grammes de résine de cannabis découverts dans la chambre d'un patient) a fait bondir la twittosphère.

Notamment, un internaute a aussitôt interpellé la Place Beauvau pour connaître ses intentions sur une éventuelle plainte pour outrage envers les policiers traités, peu courtoisement de ''bande de bâtards'' et de ''belle bande de bons à rien''

Mais si les qualificatifs sont en effet peu amènes, l'outrage n'est pas constitué, cher twittos !

Un outrage à agent est en effet un acte commis contre un délégataire d'une mission de service public ou un dépositaire de l'autorité publique, et qui nuit à la dignité ou au respect dû à sa fonction

Jusque là c'est bon, mais les propos ou actes insultants doivent avoir été commis en privé (lettre d'insultes, lors d'un contrôle...) et non en public (sur un réseau social, dans la presse...). Si les propos sont publics, ils relèveront alors de l'injure publique.

Un outrage à agent est un acte adressé à des agents chargés d'une mission de service public ou dépositaires de l'autorité publique, dans le cadre de l'exercice de leur mission, et de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à leur fonction. Il est défini et réprimé par le  Code pénal dans son article 433-5 

Une personne chargée d'une mission de service public est toute personne privée à qui les pouvoirs publics ont délégué le pouvoir de gérer une politique qui relève de leurs prérogatives :

  • un chauffeur de bus,
  • un sapeur pompier,
  • un facteur,
  • un contrôleur de la SNCF,
  • un agent de surveillance de la voie publique.

Une personne dépositaire de l'autorité publique est toute personne ayant reçu un pouvoir de sanction et/ou de contrainte de la part des autorités publiques :

  • un policier municipal ou national,
  • un gendarme,
  • un militaire,
  • un magistrat,
  • un douanier,
  • un agent de l'administration pénitentiaire (gardien de prison),
  • un inspecteur des finances publiques,
  • ou un inspecteur du travail.

Sont considérés comme des outrages notamment :

  • les insultes orales,
  • l'envoi d'objets, de lettres d'insultes,
  • les menaces orales ou écrites,
  • ou les gestes insultants ou menaçants (les violences physiques sont punies comme des coups et blessures).

Les faits doivent avoir été commis à l'égard d'un agent dans l'exercice de ses missions. Si les faits ont été commis en dehors de ce contexte professionnel, il ne s'agit pas d'un outrage à agent.

le simple refus d'obtempérer, lorsqu'on refuse de soumettre à un contrôle routier, n'est pas un outrage à agent.

Les peines encourues varient depuis la loi n°2017-258 du 28 février 2017 - art. 25 en fonction

  • de la qualité de l'agent qui subit l'outrage,
  • du lieu où il a été commis
  • et du nombre d'auteurs impliqués.

L'outrage à l'égard d'un agent chargé d'une mission de service public est puni de :

  • 7 500 € d'amende s'il est commis par un auteur unique,
  • 6 mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amendes s'il est commis par plusieurs auteurs,
  • 6 mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende s'il est commis en milieu scolaire.

L'outrage à l'égard d'un agent dépositaire de l'autorité publique est puni de :

  • 1 an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende s'il est commis par un auteur unique,
  • 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende s'il est commis par plusieurs auteurs.

En résumé, pas d'outrage constitué dans notre cas (puisque le tweet incriminé est clairement public, émis par un compte suivi par de nombreux adeptes), mais des poursuites seraient possibles sur le fondement de l'injure publique ( punissable par une amende de 12 000 €).

Mise à jour du 21 avril 2019

Des manifestants ont lancé des "Suicidez-vous"  aux policiers en marge de la mobilisation des "gilets jaunes" place de la République à Paris  hier samedi 20 avril 2019 (acte XXIII).

Le Parquet de Paris a aussitôt ouvert une enquête pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique  commis en réunion. Elle a été confiée à la sûreté territoriale de Paris. 

Curieuse qualification sans doute trop rapide car s'agissant d'invectives lancées en public, l'outrage a donc peu de chances d'aboutir, puisque nous sommes en présence d'injures publiques. On aurait pu également penser à l’incitation au suicide punie de 3 ans de prison et 45000€ d’amende

 

(photos: captures d'écran Twitter)

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S
Pourquoi les outrages ne sont jamais sanctionnés en France ?
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M
Suite à un outrage sur un agent dépositaire de l'autorité publique, peut-on être entendu dans le cadre de la procédure pr l'agent outragé ?<br /> Merci.
Répondre