Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837
Article mis à jour le 11 octobre 2018
La réintroduction de deux ourses slovènes a bien eu lieu le 5 octobre 2018 en vallée de l'Ossau, en dépit de la forte hostilité des éleveurs locaux, qui dénoncent le manque de concertation et le danger pour leurs troupeaux de brebis.
Il s'agit de la conclusion de la décision prise par Nicolas Hulot, alors ministre de la transition écologique et solidaire,en mars dernier, de réintroduire deux femelles dans cette région des Pyrénées.
Le nombre d'ours est estimé à 39 sur l'ensemble des Pyrénées, selon les derniers chiffres officiels datant de 2016
Les deux plantigrades, répondant aux doux prénoms béarnais de Sorita et Claverina sont donc désormais dans le massif pyrénéen, mais à la merci de chasseurs prêt à tout pour les évincer manu militari de leur territoire.
En cas d'atteinte à cette espèce protégée, les sanctions sont lourdes: le chasseur contrevenant concerné a été verbalisé pour destruction d’espèce protégée (délit punissable d’une peine de 2 ans de prison et 150 000 € d’amende).
Depuis la loi du 8 août 2016, l'Article L415-3 du Code de l’Environnement dispose en effet que :
"Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende :
1° Le fait, en violation des interdictions ou des prescriptions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 et par les règlements ou les décisions individuelles pris en application de l'article L. 411-2 :
a) De porter atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques, à l'exception des perturbations intentionnelles ;
b) De porter atteinte à la conservation d'espèces végétales non cultivées ;
c) De porter atteinte à la conservation d'habitats naturels ;
d) De détruire, altérer ou dégrader des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que de prélever, détruire ou dégrader des fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites.
La tentative des délits prévus aux a à d est punie des mêmes peines ;
2° Le fait d'introduire volontairement dans le milieu naturel, de transporter, colporter, utiliser, mettre en vente, vendre ou acheter un spécimen d'une espèce animale ou végétale en violation des articles L. 411-4 à L. 411-6 ou des règlements et des décisions individuelles pris pour leur application ;
3° Le fait de produire, ramasser, récolter, capturer, détenir, céder, utiliser, transporter, introduire, importer, exporter ou réexporter tout ou partie d'animaux ou de végétaux en violation des articles L. 411-6 et L. 412-1 ou des règlements et des décisions individuelles pris pour leur application ;
4° Le fait d'être responsable soit d'un établissement d'élevage, de vente, de location ou de transit d'animaux d'espèces non domestiques, soit d'un établissement destiné à la présentation au public de spécimens vivants de la faune, sans être titulaire du certificat de capacité prévu à l'article L. 413-2 ;
5° Le fait d'ouvrir ou d'exploiter un tel établissement en violation des dispositions de l'article L. 413-3 ou des règlements et des décisions individuelles pris pour son application.
L'amende est doublée lorsque les infractions visées aux 1° et 2° sont commises dans le coeur d'un parc national ou dans une réserve naturelle.
Lorsqu'une personne est condamnée pour une infraction au présent article, le tribunal peut mettre à sa charge les frais exposés pour la capture, les prélèvements, la garde ou la destruction des spécimens rendus nécessaires."
Par ailleurs, en cas de destruction « en bande organisée », la sanction peut aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende ;
Rappelons qu'en septembre 1997, l'ourse Melba capturée en Slovénie, avait été relâchée près de Melles en Haute-Garonne. en 1996. Elle avait donné naissance à des oursons et avait été abattue d'une balle dans la tête par un chasseur de sanglier sur la commune de Bezins-Garraux (Haute-Garonne), pour se protéger de l'animal qui l'aurait chargé..
En 2010, le chasseur qui avait tué en 2004 l'ourse Cannelle, la dernière ourse de source pyrénéenne, relaxé en première instance par le tribunal correctionnel de Pau, en avril 2008, pour "destruction d'espèce protégée". avait été condamné en appel à payer près de 11.000 euros d'amendes à plusieurs associations écologistes, par la cour d'appel de Pau. L'individu n'avait pas été considéré comme ayant agi en état de nécessité" Le chasseur qui a tué l'ourse Cannelle condamné à verser 10 000 euros
Si, l’incitation à la destruction d’une espèce protégée n’est pas reconnue en France comme un délit, malgré les demandes répétées des associations, notamment lors de l’examen de la loi biodiversité en 2016, les personnes appelant publiquement à la « chasse à l’ours » ne sont cependant pas à l’abri de toute poursuite: le code pénal précisant bien que « le complice est passible des mêmes peines que l’auteur d’une infraction »
Mise à jour du 11 octobre 2018
16 associations de défense de l’environnement ont déposé ce jour une plainte pour "attroupement armés, provocations à des attroupements armés, tentatives de destruction, en bande organisée, d’une espèce protégée, et atteintes et tentatives d’atteintes, en bande organisée, à l’habitat d’une espèce protégée." Pyrénées : une plainte déposée en réponse aux actions menées par les anti-ours
(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)