Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837
Que ce soit dans le Benallagate avec le «couple de la Contrescarpe» en garde à vue le 3 octobre dernier, les dossiers très médiatisés "Alexia Daval" ou "Tariq Ramadan" ou des affaires plus anonymes, pas une seule journée sans que l'on n'évoque ou annonce une nouvelle garde à vue.
Cette disposition fait donc souvent beaucoup parler d'elle, sans que l'on ne sache toujours très bien comment elle fonctionne et quels sont les droits des gardés à vue.
Il semble opportun de rappeler les fondamentaux de cette mesure de privation de liberté prise à l'encontre d'un suspect lors d'une enquête judiciaire.
Une personne peut être mise en garde à vue uniquement s'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni par une peine de prison (et non par une simple amende).
La garde à vue ( Code de procédure pénale : article 62-2) est décidée par un officier de police judiciaire (OPJ), qui peut être un policier ou un gendarme.
Elle doit être l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants :
La durée de la garde à vue est limitée
La durée de la garde à vue est en principe de 24 heures, mais elle peut être abrégée ou prolongée. La prolongation de la garde à vue dépend de certaines circonstances liées à la gravité de l'infraction, et nécessite l'autorisation d'un magistrat. La durée maximale de la garde à vue peut atteindre 96 heures pour les affaires de droit commun, et 144 heures pour les affaires de terrorisme.
En principe, le point de départ de la garde à vue est l'heure de l'annonce du placement en garde à vue à la personne concernée. Par exemple, si la personne est venue d'elle-même au commissariat et qu'un OPJ a prononcé sa garde à vue le lundi à 15h, la garde à vue terminera mardi à 15h.
Mais, dans certains cas particuliers, le point de départ de la garde à vue peut précéder le moment de son annonce à la personne concernée.
La personne gardée à vue doit être immédiatement informée par l'officier de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, des éléments suivants :
Le gardé à vue a en effet des droits ( Code de procédure pénale : articles 63 à 63-5). Il est ainsi informé de son droit à consulter, au plus vite et au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue :
Un document écrit énonçant ces droits doit impérativement être remis à la personne lors de la notification de sa garde à vue.
Si le gardé à vue demande un avocat, sa 1ère audition, sauf si elle porte uniquement sur son identité, ne peut pas débuter sans la présence de l'avocat. Le magistrat chargé de l'affaire (juge ou procureur) peut cependant autoriser une audition immédiate.
À son arrivée, l'avocat peut s'entretenir avec son client pendant 30 minutes et consulter :
L'avocat peut assister à tous les interrogatoires et prendre (seulement) des notes.
À la fin de chaque interrogatoire, l'avocat peut poser des questions. L'OPJ peut en principe s'y opposer uniquement si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête.
L'avocat peut également faire des observations dans lesquelles il peut noter les questions refusées. Ces observations sont jointes à la procédure (notre rôle est malheureusement limité durant cette phase peu contradictoire)
Si le gardé à vue est transporté dans un autre endroit, son avocat est normalement immédiatement averti.
La personne gardée à vue peut faire l'objet d'une fouille ou d'une palpation par la police ou la gendarmerie :
Seul un médecin peut effectuer une fouille à corps impliquant une investigation corporelle.
À l'expiration du délai et des éventuelles prolongations, la personne gardée à vue est :
Certains confrères communiquent volontiers pendant la garde à vue de leur client. Est-ce bien utile et surtout est-ce possible déontologiquement ?
Absolument pas !
Pour le Règlement intérieur national de la profession d'avocat« L'avocat respecte le secret de l'enquête et de l'instruction en matière pénale, en s'abstenant de communiquer, sauf pour l'exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours »,
Selon l'article 63-4-4 du Code de procédure pénale : « Sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations. »
Donc en résumé quels sont vos droits en garde à vue et quel doit être votre comportement si vous étiez interpellé:
Plusieurs heures peuvent s’écouler entre votre arrestation et la notification de votre placement en garde à vue. La suite peut être longue.
Dès votre arrestation, il est conseillé bien entendu de ne pas insulter / avoir un comportement violent avec les policiers.
Vos droits en tant que gardé à vue:
- Garder le silence, voir un médecin, faire prévenir un proche, être assisté d’un avocat, recevoir une notification précise des faits qui vous sont reprochés- faites appel à un avocat, désigné-par vos soins ou commis d’office
- Ne parlez pas hors de la présence de l’avocat – On ne peut pas vous reprocher de garder le silence en garde à vue
- Ne suivez pas les « conseils » des policiers qui vous promettront une sortie plus rapide ou une peine plus clémente si vous renoncez à certains droits.
Si vous êtes déferré immédiatement devant le tribunal, possiblement pour être jugé selon la procédure dite des comparutions immédiates, deux possibilités s’offrent à vous :
1° refuser d’être jugé-e immédiatement (cela peut entraîner votre placement en détention provisoire si vous n’avez pas présenté assez de « garanties de représentation » : bulletin de paie, certificat scolaire, attestation d’hébergement,…) ou
2° accepter d’être jugé immédiatement mais vous devrez vous défendre tout de suite, dans un grand état de fatigue, parfois sans le temps d'apporter vos preuves.
Rappelez vous donc que vous avez droit à un avocat et que celui-ci peut s’entretenir avec vous 2 fois 30 mn, au début de la mesure et au début de son renouvellement. Il peut être présent à vos cotés à chaque interrogatoire ou confrontation. Même s’il n’a pas accès au dossier, sa présence est essentielle et garder le silence en son absence un impératif.
(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)
Me Thierry Vallat a récemment exposé le régime de la garde à vue pour la chaine Al Hurra dans l'affaire Tariq Ramadan