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Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837

Des échanges entre l'avocat et son client peuvent établir le principe d'un honoraire de résultat, en l'absence d'une convention d'honoraires formelle

Dans un arrêt n°55 du 17 janvier 2019 (18-10.198), la Cour de cassation se penche sur le toujours épineux problème des honoraires de résultat d'un avocat en l'absence de convention formelle.

Une société avait chargé son avocat de défendre ses intérêts dans le litige qui l’opposait aux  propriétaires de l’immeuble dans lequel elle exploitait son fonds de commerce, et qui venaient de lui signifier une assignation en référé-expulsion.

L’avocat avait fait connaître ses conditions tarifaires pour son intervention dans le contentieux judiciaire relatif à la résiliation du bail commercial par une lettre du 12 octobre 2010, dans laquelle il indiquait son taux horaire et précisait, qu’en fin de dossier, il pourrait solliciter un honoraire de résultat. Par la suite, l'avocat a modifié son taux horaire par lettre du 6 juillet 2012. Puis, par un courrier électronique du 10 février 2015, la société a proposé à l’avocat de lui verser un honoraire de résultat de 22 750 euros HT, offre qui a été refusée, l’avocat réclamant le 1er septembre 2015 la somme de 68 400 euros TTC, refusée par la société.

Le litige entre la société et les propriétaires ayant pris fin à la suite de négociations amiables, l’avocat devait saisir le bâtonnier de son ordre afin d’obtenir la fixation des honoraires qu’il réclamait à la société ; Par lettre de son conseil du 12 septembre 2016, la société a fait savoir qu’elle maintenait sa proposition de paiement d’un honoraire de résultat de 22 750 euros et que, pour sa part, l’avocat a maintenu sa prétention à hauteur de 68 400 euros. Le bâtonnier a rejeté la demande au titre de l’honoraire de résultat.

Cette demande était également refusée par l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel de Versailles au motif que l’honoraire de résultat doit répondre à deux conditions, à savoir la conclusion d’une convention d’honoraires et la facturation de diligences accomplies. Elle considère que si l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n’exige pas que les modalités de fixation du complément d’honoraires soient déterminées dans la convention des parties, il exige néanmoins que le principe de l’honoraire de résultat soit acquis, l’accord du client sur le principe de l’honoraire de résultat devant être exprès et ne pouvant en tout état de cause être simplement «  explicite ».

En l’espèce, si le client avait envisagé de proposer le versement de la somme de 22 750 euros HT par courriel en date du 10 février 2015, il n’en demeure pas moins qu’il n’a jamais signé la moindre convention d’honoraires de résultat avec l’avocat définissant précisément la mission qu’il lui aurait confiée en contrepartie, étant observé que les deux courriers adressés par l’avocat ont pour finalité de faire connaître le taux horaire qu’il pratique dans le cadre de la seule procédure liée à la résiliation du bail qu’il a été chargé de mener.

Dès lors que la participation de l’avocat à la rédaction du protocole d’accord et à la négociation n’a pas fait l’objet d’une convention d’honoraires ni de diligences, ni de résultat et que la société n’a jamais accepté le principe de paiement d’un honoraire de résultat, celui-ci n'était donc pas du.

Mais la Cour de cassation ne l'entend pas ainsi.

La 2eme chambre civile estime que puisque d'une part l’avocat avait participé à la négociation entre la société et son bailleur pour mettre fin à leur litige, et que, d’autre part, a société, donnant suite à deux lettres de l’avocat relatives à sa rémunération, avait proposé par mail le paiement d’un honoraire de résultat, il en résultait l’existence d’une convention sur le principe d’un tel honoraire, nonobstant un désaccord sur son montant qui devait conduire le juge de l’honoraire à l’apprécier.

Des échanges entre l'avocat et son client n'ayant pas été formalisés par la convention prévue par l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 peuvent donc établir le principe d'un honoraire de résultat.

Cette solution donnée par la Cour de cassation est à rapprocher de son appréciation très souple de l'article 10 qui impose l'établissement systématique d'une convention d'honoraires entre avocat et client (mais n'assorti l'obligation de convenir d'une convention d'honoraires d'aucune sanction) et l'article 11.2 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d'avocat.

On rappellera ainsi que dans un arrêt rendu le 14 juin 2018 (Arrêt n°845 du 14 juin 2018 17-19.709) , la Cour de cassation a considéré que le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir des honoraires pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies.

Nous ne pouvons bien entendu que conseiller cependant la signature d'une convention en bonne et due forme qui permettra de limiter au maximum les litiges portant sur le périmètre de la rémunération de l'avocat.

(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)

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