Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837
Pour la première fois au monde, une juridiction chinoise a considéré que le travail d'une intelligence artificielle pouvait être protégé par un droit d'auteur.
Le tribunal de Shenzen, dans la province chinoise du Guangdong, vient en effet de juger qu'un article financier écrit par Dreamwriter, un algorithme conçu par le géant Tencent, avait été reproduit sans autorisation .
Cette décision est intervenue après que Tencent ait poursuvi en justice la société Shanghai Yingxun Technology Company, une plateforme en ligne ayant reproduit un article écrit par son robot-journaliste Dreamwriter.
Bien qu'ayant déjà retiré l'article illégalement copié , la Shanghai Yingxun Technology Company a été condamnée à payer une somme de 1,500 yuan ($216) à Tencent au titre de sa perte financière et de la protection du droit d'auteur pour cet article écrit automatiquement le 20 août 2018 par le robot.
Dreamwriter est un programme algorithmique développé par Telcent et qui écrit depuis 2015 des articles financiers.
Le tribunal a reconnu que la forme d'expression contenue dans l'article était conforme aux préconisations d'un véritable travail écrit, contenant des informations pertinentes et une analyse sur les marchés financiers, et qu'en conséquence la structure de l'article démontrait un travail raisonnable, une logique claire et une originalité certaine.
Il s'agit donc d'une première mondiale puisque jamais auparavant que ce soit aux USA, en Australie ou en Europe, le travail d'une IA n'avait été reconnu comme éligible à une protection intellectuelle.
Jusqu'à présent, la protection des œuvres culturelles créées par une machine était systématiquement écartée et elles ne sont pas protégées par des droits d'auteur. Car le robot ne peut prétendre à être considéré comme auteur. Lire notre article Le robot, la musique et les droits d'auteur -
Si au niveau européen, le rapport Delvaux adopté en février 2017 par le Parlement européen avait notamment proposé d'accorder des droits de propriété intellectuelle spécifiques sur les œuvres crées par des intelligences artificielles et de réfléchir aux « critères de "création intellectuelle propre" applicables aux œuvres protégeables par droit d'auteur créées par des ordinateurs ou des robots ». Aucune suite n'y a été donnée pour le moment (lire notre article Vers la création d'une personnalité juridique électronique )
L’Office européen des brevets vient récemment de rejeter deux demandes de brevets déposées au nom de DABUS, une intelligence artificielle. Dans un communiqué du 20 décembre 2019, l'OEB a en effet annoncé avoir rejeté les deux demandes, l'inventeur devant être un humain et non un algorithme.
“DABUS” était décrite dans le dépôt de brevet comme un "type d'intelligence artificielle connexionniste", c’est-à-dire une machine créative reposant sur un système de plusieurs réseaux neuronaux capable de générer des idées en modifiant leurs interconnexions.
Après avoir écouté les parties lors d'une audience non publique en date du 25 novembre 2019, l'Office européen des brevets a refusé les brevets EP 18 275 163 and EP 18 275 174 :
Le débat sur la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle à une intelligence artificielle est donc relancé par ce jugement chinois. Déjà, la protection des œuvres culturelles créées par une machine était écartée et elles ne sont pas protégées par des droits d'auteur. Car le robot ne peut prétendre à être considéré comme auteur. Lire notre article Le robot, la musique et les droits d'auteur -
(source: Ecns.cn http://www.ecns.cn/news/2020-01-09/detail-ifzsqcrm6562963.shtml )
(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)