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Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837

Le Mouse Jacking ou vol à la souris d'un véhicule: quels recours juridiques ?

Le nombre de vols de véhicules sans effraction a explosé depuis le début de l’année 2020 (lire 20 minutes:  La recrudescence des « mouse jacking » inquiète).

Cette technique dite du "mouse jacking" consiste à détruire la sécurité informatique du véhicule grâce à un ordinateur : les délinquants utilisent une antenne afin de capter le signal radio émis par les télécommandes des portes des voitures et de les ouvrir. Ensuite, ils branchent un ordinateur sur la prise diagnostique du véhicule et le reprogramment à l’aide d’un logiciel pour le faire démarrer. Cela représenterait 70 % des appropriations frauduleuses de voitures en France !

Ce mode opératoire pose donc un problème en matière d'indemnisation puisqu'il n'y a aucune effraction. Or, les clauses d'assurances concernant le vol limitent souvent toute indemnisation lorsque votre véhicule est retrouvé sans trace d’effraction

Que dit la loi et quels sont vos recours ?

De nombreuses décisions reconnaissent désormais le vol électronique ou "à la souris" et sa nécessaire indemnisation.

On peut notamment citer les arrêts de la cour d'appel de Paris du 10 mars 2009 n° 06/199994, du 18 octobre n° 13/04831 et du 6 décembre 2016 n° 15/11512), la cour d'appel de Toulouse dans une décision du 5 octobre 2016 n° 13/05291, de Montpellier du 10 janvier 2017 n° 14/00872, ou celle de Versailles, dans un arrêt du 30 octobre 2014.

L'arrêt de la cour d’appel de Paris, en date du 22 septembre 2015, (RG: 14/14596) est caractéristique des difficultés rencontrées par les victimes de vols de voitures sans effraction. L’affaire concernait un véhicule Peugeot 207  dérobé puis retrouvé à l’état d’épave quelques jours après.

La compagnie d'assurance avait refusé de faire jouer sa garantie, prétextant qu’il n’y avait « aucune trace d’effraction au niveau de l’antivol de direction ainsi que sur les barillets extérieurs et sur le bouchon de carburant ». Elle se réfugie alors derrière l’article 5 des conditions générales de son contrat, selon lequel "le vol sans effraction du véhicule n’est pas garanti".

La cour d’appel de Paris juge finalement que l’"effraction électronique constitue une effraction au sens commun du terme", et que " la garantie de l’assureur est due", en précisant également que la clause prévue dans les conditions générales du contrat d'assurance est abusive parce qu’elle réduit les moyens de preuve de l’effraction. La Cour affirme que "le mode de preuve restrictif ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules".

Une solution identique concernant le mode de preuve a été suivie par un jugement du TGI de Paris du 5 janvier 2017 (N° RG : 15/06093)

Au motif de définir l’effraction ( forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement) l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre, alors qu’en application de l’article 1353 du code civil (anciennement article 1315), cette preuve est libre et, outre son caractère restrictif, ce mode preuve qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules contrevient aux dispositions de l’article R. 212-2, 9° du code de la consommation (anciennement articles R. 132-2,9° du code de la consommation) qui précisent que sont présumées abusives les clauses ayant pour objet ou effet de limiter indûment les moyens de preuve à disposition du consommateur.

Dès lors doit être déclarée abusives et réputée non écrite la clause suivante, introduite dans le clause de condition de garantie : « Toutefois, si votre véhicule était retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de direction, détérioration des contacts électriques ou de tout autre système antivol en phase de fonctionnement), la garantie Vol ne serait acquise » (ci-joint  la décision : cliquez-ici)

La Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 2 novembre 2017 (n° 15-09035) confirme cette jurisprudence en considérant que l'assureur est tenu de garantir le vol, même sans effraction apparente, car un véhicule peut aujourd'hui être ouvert et conduit sans être forcé, ni dégradé. Cet arrêt rappelle par ailleurs qu'il n'appartient pas à l'assuré de démontrer à l'assureur comment l'auto a été dérobée.

Les tribunaux paraissent donc bien venir à la rescousse des assurés.

Et pour vous prémunir d'une attaque aussi sophistiquée que le mouse jacking, il existe un moyen très simple: utiliser une canne antivol bloque-volant. Il s’agit d’une canne en acier qui permet de bloquer le volant et qui fonctionne avec un verrouillage à clé. Même si la voiture peut démarrer, le voleur ne peut la conduire.

(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)

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