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Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837

Pesée et mise sous scellés de stupéfiants: le point sur l'article 706-30-1 du code de procédure pénale

Un récent arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass Crim 16 décembre 2020 n° 83-377) nous donne l'occasion de faire le point sur les formalités de l'article 706-30-1 du code de procédure pénale en matière de stupéfiants.

Cet article dispose que:

"Lorsqu'il est fait application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 99-2 à des substances stupéfiantes saisies au cours de la procédure, le juge d'instruction doit conserver un échantillon de ces produits afin de permettre, le cas échéant, qu'ils fassent l'objet d'une expertise. Cet échantillon est placé sous scellés.

Il doit être procédé par le juge d'instruction ou par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à la pesée des substances saisies avant leur destruction. Cette pesée doit être réalisée en présence de la personne qui détenait les substances, ou, à défaut, en présence de deux témoins requis par le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire et choisis en dehors des personnes relevant de leur autorité. La pesée peut également être réalisée, dans les mêmes conditions, au cours de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire, ou, au cours de l'enquête douanière, par un agent des douanes de catégorie A ou B.

Le procès-verbal des opérations de pesée est signé par les personnes mentionnées ci-dessus. En cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal "

Selon cet article 706-30-1 du code de procédure pénale, le juge d’instruction, lorsqu’il ordonne la destruction de substances stupéfiantes, doit donc conserver un échantillon de ces produits afin de permettre, le cas échéant, qu’ils fassent l’objet d’une expertise.

Les juges d'appel avaient écarté une demande de nullité prise de l’absence de conservation d’un échantillon avant destruction de produits stupéfiants saisis, en retenant que cette irrégularité ne pouvait pas avoir pour conséquence d’entraîner l’annulation de la totalité de la procédure, puisque seules les opérations de destruction sont entachées d’irrégularité.

Ils en avaient conclu que l’annulation et le retrait de la procédure ne permettraient pas de modifier les conséquences de l’irrégularité commise, dès lors qu’ils ne permettraient pas d’effacer l’opération elle-même, qui elle seule porte atteinte aux droits de la défense.

La Cour de cassation considère au contraire qu'en se déterminant ainsi, alors que l’absence de conservation d’un échantillon des produits stupéfiants fait nécessairement grief à la personne mise en examen, la chambre de l’instruction avait méconnu l'article 706-30-1.

Il est donc fondamental de vérifier que ces dispositions sont bien respectées tant au stade de la garde à vue qu'à celui de l'instruction, notamment en matière de placement sous scellés ou de pesée des stupéfiants qui donnent lieu à un abondant contentieux.

Quelques questions évoquées par la Cour de cassation:

En matière de placement sous scellés de stupéfiants

Le  placement sous scellés de produits stupéfiants est-il obligatoire en enquête de flagrance ? En cas de destruction, faut-il procéder à un échantillonnage du produit pour parer à toute contestation de la nature du produit ?

C'est ainsi qu'agissant en flagrance, des fonctionnaires de police avaient démantelé un groupe de trafiquants. Il avait été notamment trouvé sur l’un d’eux deux sachets de résine de cannabis. L’individu reconnaissait l’acquisition, la détention et le transport des deux sachets de résine de cannabis trouvés en sa possession et la nature du produit. Les enquêteurs ne plaçaient pas sous scellés les produits et procédaient à leur destruction. Poursuivi en comparution immédiate, le prévenu avait présenté des exceptions de nullité, pris notamment de l’absence de placement sous scellés en violation de l’article 56 du code de procédure pénale et de celle d’échantillonnage des produits stupéfiants en violation de l’article 706-30-1 du code de procédure pénale. Pour rejeter la requête, l’arrêt d'appel avait relevé que l’article 56 est inapplicable à l’espèce et que le test et l’échantillonnage des produits, aux fins éventuelles d’expertise, ne sont imposés par aucune disposition du code de procédure pénale.

Dans un arrêt n°2536 du 11 décembre 2019, la chambre criminelle considère que le placement sous scellés de produits stupéfiants n’est pas obligatoire et, en leur absence, la nature du produit détruit est soumise au principe de la libre administration de la preuve posé par l’article 427 du code de procédure pénale. Les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 706-30-1 du code de procédure pénale ne sont donc pas applicables à l’enquête de flagrance, la nature du produit relevant également du régime de la preuve.

Concernant la pesée des stupéfiants:

Avant qu’il ne soit procédé à la destruction des scellés en application de l’article 99-2 du code de procédure pénale, il doit être procédé par le juge d’instruction ou par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à la pesée des substances saisies avant leur destruction (C. pr. Pén, art 706-30-1 al 4).

Cette règle doit-elle trouver application lorsque les substances en question n’ont pas fait l’objet de saisie ?

Dans un arrêt n°2541 du 11 décembre 2019 (19-82.954), la chambre criminelle a jugé que les prescriptions de l’article 706-30-1 ne sont applicables que dans le cas de pesée des substances saisies avant leur destruction: il s'agit de l’application littérale du texte qui ne prévoit que la pesée des substances qui ont été saisies (arrêt n°2451 du 11 décembre 2019)

Autre point récemment précisé par la Cour de cassation: Y-a-il une obligation de rédaction d'un PV de saisie ?

En l’espèce, un cocaïnomane avait été trouvé en possession d’un sachet de sa substance prohibée favorite. Il avait été condamné en appel pour détention de stupéfiants.

Une exception de nullité avait été invoquée devant la cour d’appel pour non-respect de la procédure prévue à l’article 706-30-1 du Code de procédure pénale, dont le deuxième alinéa exige que la pesée des substances saisies soit réalisée en présence de la personne qui les détenait, ou de celle de deux témoins. La cour d’appel avait rejeté l’exception invoquée, en retenant que le produit saisi avait été pesé au cours de l’audition du prévenu, qui en avait signé le procès-verbal.

Dans un arrêt rendu le 5 septembre 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère  que la pesée de substances saisies ne requiert pas la rédaction d’un procès-verbal distinct et spécifique ni la présence de l’avocat de l'intéressé.

En revanche, l’absence du détenteur des produits lors de leur pesée (ou, à défaut, des deux témoins), entraîne forcément l’annulation partielle du procès-verbal constatant la pesée, le poids ainsi déterminé ne pouvant pas être opposé à l’intéressé (Cass. crim., 24 janv. 2007, n° 06-88.351).

Par ailleurs, et plus généralement, en cas de non-respect des prescriptions de l’article 706-30-1, l’intéressé subit un grief du fait de la destruction des substances stupéfiantes, car il ne peut alors plus solliciter de nouvelle pesée contradictoire (Cass. crim., 31 oct. 2017, n° 17-80.872, F-P+B).

Un modèle de conclusions de nullité (in limine litis bien sur) établie par la Conférence des avocats au Barreau de Paris est disponible ci-dessous:  elles trouveront application à chaque fois que l’on ne pourra s’assurer de la présence du mis en cause lors de la pesée des stupéfiants, soit parce que son nom n’apparaît purement et simplement pas au procès-verbal, soit parce que sa signature sera manquante (à l’exception naturellement des cas où les enquêteurs mentionnent sur le procès-verbal son refus de signer).

(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)

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