Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837
Dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2013 dont il avait été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.
Si les orientations de la loi de finances pour 2013 ont été jugées conformes à la Constitution, le Conseil constitutionnel a examiné ensuite un à un les divers articles.
Il a alors notamment analysé si le nouveau niveau de certaines impositions faisait peser sur les contribuables concernés une charge excessive au regard de leurs facultés contributives et était alors contraire au principe d'égalité.
De nombreuses dispositions dont la trés controversée "taxation à 75%" (article 12) ont ainsi été jugées non conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que :
- L'article 9 portait le taux d'imposition sur les bons anonymes de 75,5 % à 90,5 %. Le Conseil a jugé que ce nouveau taux d'imposition faisait peser sur les contribuables concernés une charge
excessive au regard de cette capacité contributive. Il a censuré cette augmentation comme contraire à l'égalité devant les charges
publiques.
- L'article 11 modifie l'imposition des gains et avantages tirés des stock-options et des actions gratuites attribuées à compter du 28 septembre 2012 pour les soumettre au barème de l'impôt sur
le revenu. Ce choix a pour conséquence de porter à 72 % ou 77 % (selon la durée de détention) l'imposition marginale de ces gains et avantages. En outre, dès 150 000 euros de revenus soumis au
barème de l'impôt sur le revenu, ces gains et avantages sont soumis à une imposition de 68,2 % ou 73,2 %. Le Conseil a jugé que ces nouveaux niveaux d'imposition, qui faisaient peser sur les
contribuables concernés une charge excessive au regard de cette faculté contributive étaient contraires à l'égalité devant les charges publiques. Il a censuré les nouveaux taux de la contribution
salariale prévue par l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, ramenant ainsi la taxation marginale maximale de ces gains et avantages à 64,5 %.
- L'article 12 instituait une contribution exceptionnelle de solidarité de 18 % sur les revenus d'activité excédant 1 million d'euros. Cette contribution était assise sur les revenus de chaque
personne physique alors que l'impôt sur le revenu pesant sur les mêmes revenus, ainsi que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4 %, sont prélevés par foyer. Ainsi deux foyers
fiscaux bénéficiant du même niveau de revenu issu de l'activité professionnelle pouvaient se voir assujettis à la contribution exceptionnelle de solidarité de 18 % ou au contraire en être
exonérés selon la répartition des revenus entre les contribuables composant ce foyer. Le législateur ayant ainsi méconnu l'exigence de prise en compte des facultés contributives, le Conseil
constitutionnel a, sans se prononcer sur les autres griefs dirigés contre cet article, censuré l'article 12 pour méconnaissance de l'égalité devant les charges publiques.
- L'article 13 accroît le nombre de tranches et rehausse les taux de l'ISF pour les rapprocher de ceux en vigueur avant 2011. Dans le même temps, la fiscalité des revenus du capital est fortement
augmentée. Cette double évolution n'est pas contraire à la Constitution avec un taux marginal maximal de l'ISF fixé à 1,5 %. En revanche, le Conseil a censuré l'intégration dans le calcul du
plafonnement de l'ISF des bénéfices ou revenus que le redevable n'a pas réalisés ou dont il ne dispose pas ; cette intégration méconnaissait l'exigence de prise en compte des facultés
contributives du redevable.
- L'article 14 prorogeait un régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur les immeubles situés dans les départements de Corse. Il conduisait, sans motif légitime, à ce que la
transmission de ces immeubles soit exonérée de droits de succession. Le Conseil a jugé que cette prorogation méconnaissait le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques et censuré
l'article 14.
- L'article 15 modifiait l'imposition des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir pour les soumettre au barème de l'impôt sur le revenu. Ce choix avait pour conséquence de porter, avec
toutes les autres impositions pouvant peser sur ces plus-values, à 82 % l'imposition marginale de ces plus-values. Le Conseil a jugé ce nouveau niveau d'imposition, qui faisait peser sur les
contribuables concernés une charge excessive au regard de leur capacité contributive, contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. Il a censuré cet
article. .
- L'article 73 est relatif aux « niches fiscales ». Il fixe à 10 000 euros le plafonnement global de la plupart des avantages fiscaux. Il prévoyait un plafond majoré de 18 000 euros et 4 % du
revenu imposable pour des réductions d'impôt accordées au titre d'investissement outre-mer ou pour le financement en capital d'oeuvres cinématographiques. Alors que la loi de finances procède à
un relèvement significatif de l'impôt sur le revenu, le Conseil constitutionnel a jugé que la subsistance de ce plafonnement proportionnel au revenu imposable applicable à deux catégories
d'avantages fiscaux attachées à des opérations d'investissement permettait à certains contribuables de limiter la progressivité de l'impôt sur le revenu dans des conditions qui entraînent une
rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il a censuré la fraction de l'avantage d'un montant égal à 4 % du revenu imposable.
- Le Conseil constitutionnel a censuré enfin divers articles comme n'ayant pas leur place en loi de finances, notamment parce qu'ils ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la
trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État : article 8 sur les dons des personnes physiques aux partis politiques ; article 44 sur les missions de
l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués ; article 95 sur le transfert des compétences de production de plants forestiers à la collectivité territoriale de Corse ;
article 104 sur les travaux dans les zones pour lesquelles un plan de prévention des risques technologiques est approuvé.
En revanche, le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE), mesure phare du rapport Gallois, a été validé.
Voir le communiqué de presse du Conseil Constitutionnel du 29 décembre 2012: