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Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837

Géolocalisation des salariés: l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 décembre 2017

La géolocalisation est à la mode et se généralise. Mais elle doit trouver un juste équilibre entre le respect de la vie privée du salarié au sein de l'entreprise et le pouvoir de surveillance et de contrôle de l'employeur.

Dans un arrêt du Conseil d’État rendu le 15 décembre 2017  (10ème – 9ème chambres réunies) 403776 l'utilisation par un employeur d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés n'est considérée comme licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation.

En dehors de cette hypothèse, Il résulte des articles 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et L. 1121-1 du code du travail que la collecte et le traitement de telles données à des fins de contrôle du temps de travail doivent être regardés comme excessifs au sens du 3° de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978.

Dans cette affaire, la société Odeolis, qui est spécialisée dans la maintenance de systèmes informatiques, notamment de terminaux de paiement, et dont l'activité s'étend sur tout le territoire national, avait équipé les véhicules utilisés par ses techniciens itinérants de dispositifs de géolocalisation en temps réel afin, notamment, de mieux planifier ses interventions. Ces dispositifs permettaient de collecter diverses données relatives, notamment, aux incidents et évènements de conduite ou au temps de travail des salariés.

Le 13 janvier 2016, une délégation de la CNIL a procédé à un contrôle sur place dans les locaux de la société à Aix-en-Provence, à la suite duquel la présidente de la CNIL a, par une décision du 27 juillet 2016, mis en demeure la société d'adopter un certain nombre de mesures afin de faire cesser les manquements constatés à diverses dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La société demandait l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision en tant qu'elle la met en demeure de cesser de traiter les données issues de l'outil de géolocalisation afin de contrôler le temps de travail des salariés.

Pour le Conseil d'Etat, s'agissant du traitement des données collectées à des fins de contrôle du temps de travail, si la société fournit des exemples d'employés licenciés grâce à ces informations qui attestent des facilités offertes par la géolocalisation, il ressort des pièces du dossier qu'elle dispose d'autres moyens, notamment des documents déclaratifs mentionnés dans la décision attaquée, pour contrôler le temps de travail des employés. Il s'ensuit que la présidente de la CNIL n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 précité en caractérisant comme excessif, au sens de ces dispositions, le traitement par la société Odeolis des données collectées par géolocalisation à des fins de contrôle du temps de travail de ses employés.

Si l'on en croit le rapport d'activité de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour l'année 2015, c'est plus de 6.800 dispositifs de géolocalisations qui ont été déclarées, principalement dans le secteur des transports.

Près de 4.000 plaintes ont été enregistrées par la CNIL visant ds dispositifs de vidéosurveillance ou de géolocalisation des salariés (voitures ou téléphones)

Du fait qu’ils permettent de recueillir des données à caractère personnel, les dispositifs de géolocalisation doivent être conformes à la loi « Informatique et libertés » et, à ce titre, faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL.

La CNIL a adopté le 4 juin 2015 une nouvelle norme pour la déclaration simplifiée des dispositifs de géolocalisation des véhicules des salariés. Elle proscrit leur utilisation hors temps de travail, y compris durant les pauses et les trajets domicile-lieu de travail. Les salariés doivent aussi pouvoir, quelle que soit la finalité du dispositif, désactiver la fonction de géolocalisation,

En clair, si le salarié n'est pas payé pendant les temps de pause, il ne doit pas être géolocalisé ! De même, les employés dotés d'une véritable autonomie ne peuvent être soumis à géolocalisation.

Cette Norme simplifiée n°51 est pleinement applicable depuis le 4 juin 2016.

Rappelons également que le Code du travail prohibe la restriction aux droits des personnes et des libertés qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche (article L 1121-1) et s'il n'y a aucune proportionnalité avec les tâches à accomplir.

Dès lors que ces dispositifs permettent d’exercer un contrôle de leur activité, le code du travail impose par ailleurs la consultation préalable du comité d’entreprise (C. trav. art. L 2323-32) et l’information des salariés concernés (C. trav. art. 1222-4).

Les systèmes permettant une géolocalisation du salarié se heurtent donc bien souvent à la prohibition rappelée par la Chambre sociale de la Cour de Cassation dans son arrêt "Design Fenêtres" du 17 décembre 2014: la géolocalisation n'est autorisée notamment que si le contrôle du salarié ne peut être effectué par un autre moyen par l'employeur

Aux termes de cette décision(http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029941910&fastReqId=1810829239&fastPos=1): "l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail "

 

A lire également notre article  Géolocalisation des salariés

(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)

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