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Blog d'actualités juridiques par Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris (33 01 56 67 09 59) cabinet secondaire à Tallinn ISSN 2496-0837

L'avènement de l'Association France E-Sport: la charrue numérique avant les boeufs ?

L'avènement de l'Association France E-Sport: la charrue numérique avant les boeufs ?

Le projet de loi "République Numérique", voté par les députés le 26 janvier 2016 est désormais examiné au Sénat depuis le 26 avril.

Parmi les dispositions les plus discutées, l'article 42 concernant les compéttions de jeux video, le E-sport (lire par exemple Le sport électronique sort de son flou juridique: notre ...)

Rappelons que l'Assemblée nationale avait adopté le texte suivant:

"Compétitions de jeux vidéo

Article 42

I. – Un agrément peut être délivré par le ministre chargé de la jeunesse aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo, notamment à dominante sportive, requérant la présence physique des joueurs, qui présentent des garanties visant à :

1° Assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des compétitions ;

2° Protéger les mineurs ;

3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ;

4° Prévenir les atteintes à la santé publique.

II. – Un arrêté du ministre chargé de la jeunesse fixe la liste des logiciels de loisirs, sur un support physique ou en ligne, s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées, pour lesquels les organisateurs de compétitions peuvent bénéficier de l’agrément prévu au I du présent article.

Ces logiciels de loisirs font prédominer, dans l’issue de la compétition, les combinaisons de l’intelligence et l’habilité des joueurs, en mettant à leur disposition des commandes et des interactions se traduisant sous formes d’images animées, sonorisées ou non, et visant à la recherche de performances physiques virtuelles ou intellectuelles.

L’arrêté fixe également, pour chaque logiciel de loisirs, l’âge minimal requis des joueurs pour participer à la compétition.

III. – Les compétitions pour lesquelles les organisateurs bénéficient de l’agrément prévu au I du présent article ne sont pas soumises aux articles L. 322-1 à L. 322-2-1 du code de la sécurité intérieure.

Il en est de même des phases de qualification de ces compétitions se déroulant en ligne, dès lors qu’aucun sacrifice financier de nature à accroître l’espérance de gain du joueur ou de son équipe n’est exigé par l’organisateur"

Patatras ! Voilà qu'a été emis le 24 mars 2016 à Axelle Lemaire, la Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, en charge du numérique, le rapport parlementaire sur la pratique compétitive du jeu vidéo, lequel préconise pour sa part d’exempter, sous conditions, les compétitions de jeux vidéo du principe général d’interdiction des loteries.

Afin de limiter les risques de trouble à l’ordre public que pourraient poser de telles compétitions, des limites et des obligations sont imposées aux organisateurs de ces compétitions, à savoir :

- que seules soient exemptées les compétitions physiques. Pour les compétitions en ligne, toujours soumises au principe d’interdiction des loteries, précisat néanmoins ce qui peut ne pas être considéré comme un sacrifice financier ;

- que les frais d’inscription exigés des joueurs se limitent à une participation, plus ou moins importante selon la taille de la compétition, aux frais d’organisation et aux récompenses : ainsi les organisateurs ne peuvent tirer de bénéfice des sommes payées par les joueurs et doivent trouver des sources de financement alternatives ;

- que les organisateurs soient soumis à des obligations déclaratives proportionnées ;

- que les organisateurs de compétitions pour lesquelles le montant total des gains dépasse un certain seuil, justifient de l’existence d’un instrument ou mécanisme de garantie du reversement de la totalité des gains. Il peut s’agir d’une sureté, d’une assurance, d’un compte sous séquestre ou d’un autre instrument permettant d’apporter cette garantie.

Or, le régime de régulation décrit dans le texte du projet de loi issu de la commission des lois du Sénat est très différent et se révèle beaucoup plus contraignant à la fois pour les organisateurs de compétition et l’autorité administrative, puisqu’il prévoit :

- Une dérogation aux articles relatifs aux loteries quel que soit le sacrifice financier consenti et le coût de la manifestation ;

- Un organisateur bénéficiant d'une autorisation temporaire délivrée, après enquête, par le ministre de l'intérieur ;

- Une déclaration de tenue de la compétition de jeux vidéos auprès de l'autorité administrative.

Le dispositif envisagé par les sénateurs est donc très restrictif, et s'éloigne ainsi du régime des loteries et des compétitions sportives pour se calquer peu ou prou sur celui des casinos.

Le Gouvernement propose donc un amendement n°596 qui vise à rétablir un dispositif favorable au développement du secteur et des pratiques, conformément aux préconisations du rapport parlementaire, en adaptant les provisions aux différents objectifs poursuivis :

- intégrité de la compétition ;

- ordre public ;

- efficience des charges imposées aux administrations.

Les débats seront certainement animés sur cet article, pour lequel les sénateurs sont très réticents.

Et ce alors qu'en grande pompe a été ce matin intronisée l'Association France -Sport à Bercy par la Sécrétaire d'Etat, déjà présentée comme une fédération officielle du Esport !

Elle regroupe 10 acteurs du E-sport comme Alt Tab Productions (O’Gaming), Futurolan (Gamers Assembly), LDLC Events, Malorian (Dreamhack France), Turtle Entertainment France (ESL), le SELL, le SNJV, Webedia Gaming, Oxent (ESWC, Toornament) et Lyon eSport. Elle est présidée par Matthieu Dallon.

Le E-Sport a certes cruellement besoin d'un véritable statut légal pour lequel je milite de longue date, mais alors que le sport électronique n'est pas encore mis en place et peine à se faire reconnaitre au niveau parlementaire, n'est-ce pas aller un peu vite en besogne que de créer d'ores et déjà une "fédération" ? (et alors que des compétitions dotées de prize money sont quotidiennement organisées et diffusées y compris à la télévision, en toute impunité et illégalité)

La charrue numérique...on connait l'adage, surtout avec un marché mondial estimé à plus de 460 millions de dollars en 2016 !

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